Michelle Grange – Lettre

COMME DÉJÀ LA, BIEN AVANT

L’angoisse, la peur panique, l’absence de sens, la dépression, tout était déjà là, bien avant, bien avant l’annonce de ce que l’on nous a demandé d’appeler « confinement » parce que six fois en guerre !

Bien avant déjà, combattre ses ennemis, lesquels, combien ? peu importe, ils sont là. Lutter pour rester en vie, ne pas se frayer un chemin vers la schizophrénie qui est là, comme bien avant, tapie au fond.

Bien avant, déjà, dehors – dedans, dedans – dehors de quoi ? peu importe. Dehors, fixée sur un cercle dépourvu de contours, suspendu dans le vide, les autres en tant qu’autres m’agressent. Alors, vite rentrer à la maison, ouf, dedans, puis l’angoisse, la panique, la stupeur qui me cloue au canapé, la tête compressée de bruits cristallins – l’explosion est proche, le chaos, la lutte, le temps est arrêté !! Alors, quoi ? Ressortir, rentrer, oui, non, la folie s’installe ? Les rêves éveillés de la journée, proches de l’hallucination, les cris rauques qui ne sortent pas de la nuit.

JE n’ai que ça : Mon travail, Mon APAST, Mes postures, je les fais, je ne les fais pas ? Pourquoi ? Voilà où cela m’a menée , injustice, Baliverne que tout cela ! Je les fais, presque toujours.

PUIS l’annonce officielle du 17 mars 2020. Confinement.
Entrave à l’entrave, enfin il se passe quelque chose, tous dans le même sac !!
Espace publique privé des autres
Espace privé plein d’hôtes !
Durant un mois, étonnement, ça va mieux, j’y arrive, c’est fini, ouf.
Dehors, tout va bien, courte promenade solitaire, triste , et la nature est là, belle.
Dedans, de l’espace pour lire, écouter de la musique, manger, réfléchir, pleurer, danser.
La date du dé confinement est annoncée : 11 mai 2020.
« Encore un mois, cela va être long, surtout les derniers jours  »
Puis rapidement, et petit à petit, RE angoisse, RE peur, RE tout, RETOUR.
Ce n’est rien, tout ira mieux le 11 mai !!

JOUR J : Heureuse, je passe l’après-midi avec mes filles, puis , désillusion, tristesse, A QUOI M’ATTENDAIS-JE ?

Et, 12-13-14-15 mai, ça ne va pas…… 31 mai, ça ne va pas……1 juin 2-3-4- ça ne va vraiment pas….. C’est reparti, RE RE ERRER, comme déjà là, bien avant.

ALORS

Interdiction officielle, haute injonction, invulnérable loi, le temps d’un soupir, m’aurais-tu apaisée ?
Et toi, miroir, mon beau miroir, quand, bras tendu, main crispée, tête haute, m’aurais-tu démasquée ?

Apaisée………. Silence de ceux, qui, presque…. ivRes , chuchote en moi, l’espace d’un infime instant, l’ indicible geste, comme déjà là, bien avant.
Démasquée……..Silence de ceux qui savent, murmure au fil du temps, ce qu’aujourd’hui, JE liE entre mes lignes, comme déjà là, bien avant.

PS : Hum, je l’avais oublié celui-là (le temps d’une lettre), qui donc ? Le virus, voyons !
Oui j’ai eu peur, très peur, pour mes filles, dont l’une qui a de l’asthme, pour moi, la mort m’a hantée , COMME DÉJÀ LÀ, BIEN AVANT.

Michelle Grange