André Cognard – À propos d’une méprise

A propos d’une méprise,

Les médias sont, nous le savons, des admirateurs de Pathé-Marconi, illustre entreprise qui fut la première à découvrir tout l’intérêt qu’il y a à être la voix de son maître. Son acoustique inimitable qui parlait directement à nos cœurs est encore bien présente dans les mémoires collectives et fait que nous sommes à l’écoute du moindre écho, pourvu qu’il vienne de très loin et de très haut, de Jupiter par exemple.

Mais voici que le microsillon s’enraye un peu et certaines voix s’aventurent dans une cacophonie digne d’un compositeur contemporain trop inspiré. On entend le son de plusieurs cloches à la fois qui n’ont en commun que d’être ébréchées.

La musique d’état serait-elle une succession d’ébauches de grandes symphonies avortées ?

Nous avions été emportés par la virtuosité du chef et compositeur dont, fort heureusement, le patronyme fut gratifié d’un « n » final à défaut duquel, sa composition magistrale à propos de la guerre dans laquelle notre pauvre pays se trouve impliquée aurait ressemblée à une paillarde pour des gorges avinées, dans une réunion de pourvoyeurs de lieux raffinés pour messieurs d’avant l’héroïque Marthe Richard.

Non, ne nous laissons pas berner par les apparences. Je pourrais, si je ne faisais pas appel à mon grand sens démocratique, à mon civisme éduqué à grand renforts de pédagogie médiatique, je pourrais vous dire que le bon sens a le don d’irriter tout autant les conseils scientifiques, lesquels redoublent d’effort pour gravir les marches du Panthéon de la contradiction comme vérité, que les assemblées de monarques modernes. Il est vrai qu’en disant à peu près tout, on a bien quelques chances de dire quelque chose de vrai. De toutes manières qui détient le pouvoir a évidemment celui d’affirmer ce qui est vrai et le pouvoir semble être passé du peuple électeur à la population élue, de celle-ci à l’ENA, de l’ENA aux gens les plus aptes à gouverner le monde, c’est à dire ceux qui ont démontré leur compétence de gestionnaire de fortune. Alors cette pauvre science devient un pourvoyeur d’alibis pour expliquer que, selon la direction du vent, l’on puisse affirmer deux choses incompatibles à la suite, ou en une seule fois, pourvu que l’on s’y mette à plusieurs.

C’est ce que j’aurais pu dire si je m’en tenais à la courte vue, celle du citoyen lambda qui n’a pas été initié à l’art de la Politique avec un grand « P ». Mais non !

En ne faisant pas appel à mon bon sens, ce qui est aujourd’hui passible de sanctions par les organisations de surveillance des bonnes mœurs en matière de pensée, mais en écoutant mieux, j’ai trouvé une parfaite cohérence dans ce jeu de dindes perchées. La méthode, je vous la confie. Commencez par vous boucher une oreille avec la main droite, de préférence l’oreille droite qui est plus accessible à cette main. Ensuite, prenez de fortes doses de psychotrope, de ceux dont les essais ont été concluant dans les lieux spécialisés dans la haute mortalité.

Vous risqueriez bien sûr de passer pour un chanteur corse mais la ressemblance s’arrête à l’obstruction de l’oreille, le myrte n’étant pas encore classée par l’ARS.

Ayant éradiqué la moitié du bruit et la moitié de votre intelligence, vous entendez enfin ce que vous dit la voix de son maître. Il est vrai qu’elle fait beaucoup d’effort pour nous expliquer que si nous ne sommes pas d’accord avec lui, c’est que notre intelligence n’est pas suffisante pour entendre ce qui a germé dans les esprits brillantissimes de nos précepteurs ministériels, nos directeurs de conscience.

Non, n’agitons pas le verbe comme la pointe de notre fleuret, le message est simple. Pour vivre heureux, vivons masqués. Le message « le masque ne sert à rien » n’est en rien contradictoire avec « le masque est salvateur ». S’il vous arrivait de vouloir souligner cette apparente contradiction, cela signifierait seulement que vous ne pensez pas correctement. Vous seriez au bord de l’abime, extrémiste de droite ou de gauche, membre d’une secte dangereuse, risquant de chuter de charybde en Scylla, c’est-à-dire de suivre les mots d’ordre qui font que nous mélenchons tout, ce qui nous laisse croire que le pennis le drapeau de la république. Le masque a pour vous toutes les attentions qu’il a pour la république, en marche arrière. Comme pour elle, il dissimule vos intentions, il vous permet de reprendre en cœur en ayant l’air crédible des hymnes populaires comme « Zorro, un cavalier qui surgit hors de la nuit ». Vous pouvez sans risquer la moquerie jouer à Batman. Vous pouvez même jouer au cousin de Louis XIV avec un masque de fer. Un des points forts du masque, c’est que débordant largement sur les yeux de vos alter ego, il brouille suffisamment sa vision pour que vous ayez l’air d’avancer en reculant. C’est lui qui vous protège même quand vous prenez votre bain ou utilisez les lieux d’aisance, interdisant aux morpions d’investir votre barbe, vestige de votre engagement des années hippies. Et devrais-je vous dire à quel point il est nécessaire quand vous décidez de participer à l’effort de repeuplement de la planète, c’est-à-dire d’accomplir votre devoir civique après cette hécatombe. Il est plus efficace que le préservatif dont on nous a tant vanté les mérites puisqu’il autorise des pratiques de bouche sans prendre aucun risque alors que, si vous avez une fois enfilé son prédécesseur, il vous a, j’en suis sûr, semblé plus facile de braquer une banque que de satisfaire une dame à maturité. Ceci dit, il est conseillé de prendre un modèle plutôt souple. L’usage d’un oison conseillé par Rabelais à des fins plus postérieure est déconseillé, bien qu’il remplisse toutes les conditions. La société protectrice des animaux risquerait d’engager des poursuites à votre encontre. Si vous êtes tentés par un peu d’exotisme, vous pouvez essayer celui que les braves chinoises cousent à la main avec de la peau de chauve-souris. Ils sont excellents pour développer votre immunité.

Bon, vous l’aurez compris. Ne jetons pas l’opprobre sur ce pauvre gouvernement qui a eu le mérite, devant cette attaque profondément injuste de nos institutions par un virus clandestin, encore un de ces immondes passe-murailles, d’avancer à pas de loup, le visage couvert du fameux loup vénitien. L’élite a de la culture, même quand il s’agit de nous défendre. Aussi féroce que la louve qui défend sa portée, sachant que parfois, le grand méchant loup en croque un peu des louveteaux, ils ont pu avancer toutes dents dehors, leurs superbes crocs luisant à l’ombre de l’illustre barrière. C’est là que le célèbre aphorisme du geste barrière est née. Barre à gauche toute, barre à droite toute, barr’ arrière.