Philippe Meunier – Covid je t’aime, Covid, je t’adore

À la fin tu es las de ce monde ancien
Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin

Immédiatement, j’ai pensé à Shining. À l’instar des personnages du film de Stanley Kubrick, j’allais être privé de sorties, de vie sociale et de travail, vivant en permanence avec ma famille un quotidien forcément monotone dans une inconfortable promiscuité. La situation n’était donc pas très engageante. A priori.

Assez vite, cependant, je me suis rassuré: je pourrais continuer de visiter mon caviste, mon boucher, faire des suburis¹ dans mon jardin, lire, cuisiner et travailler, somme toute, plus confortablement.

Telle était la situation: à cause de la destruction de l’hôpital public et de l’impéritie des gouvernants du moment, je devrais accepter d’être entièrement libre de mon temps.

Très bien.

Bien sûr, tout ne s’est pas exactement passé ainsi. Comme tous, j’ai été assailli de propositions d’activités. Il fallait partager des poèmes, applaudir à sa fenêtre, faire du pain, de l’exercice physique, regarder des dizaines de vidéos. Il fallait également s’indigner.

Protester contre l’évident outrage aux libertés fondamentales.

Ah bon ? Parce qu’avant, c’était mieux peut-être ?

J’ai quarante cinq ans et comme pour la majorité d’entre nous, je vis mon premier confinement. J’habite en Guadeloupe depuis deux ans. Je vis déjà loin de mes amis, de mes proches et des personnes importantes que je ne retrouve que, fort brièvement, l’été. Je suis donc en quelque sorte, entraîné.

Ce soir, à minuit, je serai dé-confiné. Je vivrai le verre à la main cet événement.

Aurai-je le cœur de me réjouir ?

PM. dimanche 10 mai 2020, 19H. Les Abymes.


1 On ne dira jamais assez l’excellence des suburis pour la santé. Avant de faire des suburis, pour pouvoir être seul dans mon jardin pendant un moment, j’étais obligé de fumer.