Alexandrine Gerrer-Maccario – Réflexions & Questions

Je me retrouve (je retrouve mon je?) dans de nombreux textes que j’ai lus ici. J’ai reconnu le stylo-plume dont je me sers pour coucher mes idées sur le papier, même si pour communiquer via le monde numérique je fais ensuite une transcription digitale. J’ai reconnu le choix des mots comme gardiens du sens. J’ai reconnu aussi l’oiseau, le soleil, le coin de verdure et les voyages liés aux postures, en passant par les cris de colère, les incompréhensions, les questionnements, les découvertes. Et j’en oublie sûrement.

Pour ma contribution à ce florilège de textes choisis, je souhaite partager avec vous certaines observations et réflexions que cette situation a suscitées en moi, quelques questions qui ont suivi, et une proposition d’angle de vue à laquelle je suis arrivée pour essayer d’y répondre, pour essayer de comprendre.

Une des premières choses qui m’a marquée, c’est que très vite nous avons été submergés jours après jours du nombre de décès, à grands renforts de « on a passé la barre de… », même quand celle-ci était ridiculement basse au vu de la population de référence. Quid du nombre de personnes guéries ? Quid d‘éventuelles comparaisons avec les autres virus saisonniers comme celui de la grippe, ou avec d’autres causes de mortalité (accidents, guerres, mauvaises conditions de vie etc), avec d’autres maladies infectieuses ailleurs dans le monde (comme le paludisme, par exemple) ?

Heureusement qu’il est toujours possible de trouver diverses sources d’information et d’accéder à des données que l’on peut interpréter soi-même ! (J’ai personnellement trouvé quelques éléments de réflexion dans l’interview de l’anthropologue suisse Jean-Dominique Michel « Anatomie d’un désastre », entre autres.) Heureusement que les bulles humoristiques qui fleurissent ici et là permettent d’alimenter la réflexion de façon plus légère ! (en voici un exemple : Les goguettes – T’as voulu voir le salon )

Ensuite, pour ce que j’en ai vu et entendu, les quelques contradicteurs de ce qui a été traité comme une pandémie ‘gravissime’ n’ont que très rarement eu droit au chapitre dans les ‘grands’ médias auxquels j’ai eu accès, ou alors pour se faire dénigrer. Les remises en question que j’ai le plus entendues sont celles concernant la gestion de ce phénomène, absolument rien sur le bien-fondé de cette peur-panique généralisée. Cela m’interroge sur l’(in)dépendance de ces médias vis-à-vis du gouvernement. Cela m’interroge aussi sur l’hégémonie de certains points de vue. Cela amène surtout une autre question : dans quelle démocratie vivons-nous ? N’est-ce pas le propre d’une démocratie de permettre à tous de pouvoir s’exprimer ?

Pour ma part, à l’instar de la bulle financière d’il y a quelques années, j’ai bien envie de parler de bulle sanitaire.

Et je m’inquiète de ce que cet épisode révèle du contrôle de la population, de la censure des informations et de l’incapacité des individus – moi la première – à faire entendre une autre voix (une autre voie ?).

Comment en est-on arrivé là ? Quelle mouche nous a piqué ? Ou plutôt quel virus… Et surtout, comment ce bazar a-t-il pu prendre une telle proportion ?

Je vois là un des effets de ce que certains appellent la globalisation du monde (liée à l’augmentation du rythme des échanges mondiaux) mais pas sous son meilleur jour. Et pas seulement.

Voici donc la proposition d’un autre angle de vue auquel je suis arrivée :

A force de s’entourer d’outils de plus en plus sophistiqués et miniaturisés – à tel point qu’on ne sait plus les réparer – et à force d’abolir le temps pour parcourir les distances, on oublie peu à peu comment se servir de nos mains et de nos corps, on oublie la notion de durée. Ce faisant on oublie comment penser. Il n’y a plus de sens du concret, et donc une incapacité à garder une certaine autonomie dans nos vie et, de fait, une incapacité à remettre en cause les discours que l’on entend, même s’ils sont truffés de contradictions. Ou irréalistes. (Là, on a eu le choix…) On mène une vie hors-sol, hors-corps, qui fait que l’on perd nos racines et donc un certain nombre de mémoires, et qui nous enlève peu à peu toute pensée propre, laissant la place au prêt-à-penser.

Et on ne sait plus que vivre est risqué.

Remarque sur la forme : j’ai écrit le paragraphe précédent en employant le « on » impersonnel – ce qui ne me plait guère – car j’avais d’abord écrit « nous » mais au fur et à mesure de l’exposé de ma pensée, je me suis rendu compte que ce que j’énonçais ne s’appliquait pas à tout le monde – heureusement – même si cela concerne tout de même beaucoup de gens, vu ce qui vient de se passer ; notamment cela ne s’applique pas à … nous, pratiquants de l’aikido Kobayashi et de l’aikishintaiso : se servir de nos corps, nous connaissons ! Et la vie hors-sol que nous pratiquons est en lien avec un retour systématique – et rapide – à la terre !

Pour finir, je tiens à vous faire part de la réflexion orale d’une élève de CE1 (8 ans) à qui sa mère demandait pendant le confinement si elle se sentait libre. Voici sa réponse :

« Je peux faire des choses à la maison, mais je ne peux pas sortir donc libre à la maison mais pas libre dehors. »

Alexandrine Gerrer-Maccario