Jean-Marie Fiorito – Lettre à COVID

Chère COVID

Je t’écris une lettre que tu liras peut-être. Si tu es disposé à prendre connaissance de ma missive, et je t’en remercie au préalable, saches que j’ai beaucoup pensé à toi ces derniers temps.

Il est vrai que je viens de faire ta connaissance et que j’ignorais jusqu’alors jusqu’à ton existence…et te voilà parmi nous .

Par quelle moyen t’es tu introduis dans notre monde afin d’y passer l’hiver en notre compagnie, qui t’as invité ?

Es-tu l’envoyé des Dieux ou des enfers ou tout bonnement tombé d’un pangolin, comme certains l’affirment ? Ou bien encore échappé d’un laboratoire comme d’autres le laisse entendre.

Quoi qu’il en soit, tu as beaucoup fait parlé de toi ces derniers temps il n’y en avait même que pour ton nom au sein des médias où tu as été au centre de toutes les attentions.

Pourtant, rien ne sembler au départ, te prédestiner à une telle notoriété. Cantonné dans une lointaine province de l’empire du milieu tu ressemblais à s’y méprendre, à une simple grippe.

Même les plus grands savants t’ont snobé avant de te prendre au sérieux.

Force est de reconnaître que tu n’as pas lésiné sur les moyens pour assurer ta promotion. Comme une trainée de poudre tu t’es répandu sur la planète semant contamination, mort, désolation et surtout , crime de lèse majesté, tu fus l’artisan de la paralysie de l’économie mondiale.

Pire encore , plus de la moitié de l’humanité s’est vu assignée à résidence comme de vulgaires opposants politiques .

Par ta faute nous fûmes privés de liberté, dans l’impossibilité de nous livrer à nos activités favorites et contraint, pour certains, de supporter leur progéniture forcée de délaisser momentanément le chemin des écoliers.

Les chefs d’Etat du monde entier ont été désemparés face à ton inévitable propagation. La médecine planétaire s’est mise à ton chevet .

On a cru un instant que la fin du monde était proche et les prophètes de mauvaises augures pronostiquaient déjà l’apocalypse avant l’heure.

Tu as mis en joug et fait trembler notre civilisation mais ne vas pas pour autant attraper la grosse tête ; elle était vacillante avant ton apparition.

Tu as révélé les failles d’un système à bout de souffle et révélé au grand jour les faiblesses de nos sociétés.

Et comme l’écrivait Montesquieu au XVIII siècle dans « Les nouvelles maximes prises par les Romains » :

« Si le hasard d’une bataille, c’est-à-dire une cause particulière, a ruiné un Etat, il y avait une cause générale qui faisait que cet Etat devait périr par cette seule bataille. »

Certes, une fois de plus les plus fragiles payeront l’addition qui devrait s’avérer plutôt salée.

Je te fais grâce des victimes qui jalonnèrent ta route tu me rétorquerais sans doute que tel le loup tu ne prélèves que les plus fragiles d’entre nous, rappelant à nos bons souvenirs pour l’occasion ceux que nous avons délaissé .

Mais avais-tu pour mission d’être juste ?

Il convient de mettre néanmoins à ton actif la mise à jour de ces fameuses « premières lignes », personnel soignant en tête, à l’engagement sans failles malgré des moyens défaillants.

Le peuple les acclamèrent, les puissant leur firent les yeux doux le temps d’un confinement.

Ton rôle fut celui d’un révélateur , un messager en quelque sorte. A charge aux destinataires de lire le mode d’emploi. A moins qu’une explication de texte soit au programme d’une éventuelle deuxième vague que tu nous concocterais.

Au moins auras-tu eus quelques utilités ?

Maintenant nous revoilà déconfinés tu sembles d’éloigner de nous, convoqué vers d’autres horizons à contaminer, de nouvelles contrées à sinistrer.

Durant ces longues semaines où nous fûmes placés face à nous-mêmes, ils furent nombreux à rêver d’un monde nouveau ; ils en sont pour leurs frais.

Le retour vers la liberté a un goût de déjà vu et , les décombres encore fumantes, le système s’apprête à reconstruire à l’identique sa pierre tombale.

Les horlogers de l’économie s’efforcent de remettre les pendules en retard.

A l’ouest rien de nouveaux, la finance reste en embuscade, pressée de déplumer la poule aux œufs d’or.

Ce courrier touche à sa fin. Je ne sais si tu as planifié un retour hivernale la saison prochaine dans ton agenda mais si la décision de t’en retourner (sans billet retour) auprès du Diable ou du bon Dieu passent leur mes amitiés à tous les deux ; on sait jamais lequel nous attend même si pour ma part (par manque de modestie peut-être), je m’estime plutôt en ballotage favorable.

Jean-Marie FIORITO

Club de La Côte Saint-André